12e 7bre 1764, à Ferney
Je paie bien tard, Monsieur, une dette qui m'est chère; mais vous savez que je ne peux écrire de ma main, et j'ai été très longtemps sans mon secrétaire.
Je ne sais si vous êtes encor à Pise, vous me paraissiez, par vôtre dernière Lettre, fort dégoûté de ce séjour, mais si vous y avez de la liberté (j'entends la liberté de penser, de parler et d'écrire) on peut vivre à Pise comme ailleurs dans le sein de sa famille. Tout ce que je soupçonne, c'est que l'Italie était plus agréable pour les gens de Lettres, du temps de Ciceron et de Virgile qu'elle ne l'est du temps des Dominicains et des autres moines. Il est bien étrange que le plus spirituel de tous les peuples soit précisément celui qui est le plus esclave. Je conçois que les philosophes ont beaucoup à souffrir dans un païs où l'on a mis Galilée en pénitence pour avoir reconnu que la terre tourne autour du soleil. La raison, Monsieur, pour laquelle vous êtes peut être mécontent de Pise, est la raison pour laquelle je n'ai jamais voulu aller en Italie, mais je ferais le voiage si le sacré collège était philosophe.
Je vous prie, Monsieur d'être persuadé de l'estime et de l'attachement de celui qui a l'honneur de vous écrire.