1763-05-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à César Gabriel de Choiseul, duc de Praslin.

Monseigneur,

Lorsque Monsieur le duc de Choiseuil était ministre des affaires étrangères, il voulut bien me faire accorder le brevet du roy annexé à la requête que je présente.

Les bontez du Roy me deviendraient inutiles si les droits de la terre de Ferney, confirmez par plusieurs Rois, et fondez sur leurs traittez avec les dominations voisines, étaient en compromis au parlement de Dijon qui ne connait pas ces traitez, et qui juge suivant le droit comun.

Je n'ay acheté la terre de Ferney pour ma nièce que sur l'assurance que Monsieur le duc de Choiseuil voulut bien me donner que je serais maintenu dans les anciens privilèges. Ils me sont contestez aujourdui par des curez qui veulent me traduire au parlement de Dijon. En ce cas la terre est réduitte à rien. J'ay donc recours à vos bontez Monseigneur et madame Denis vous présente sa requête. Nous vous supplions elle et moy de nous acorder votre protection dans une affaire qui nous est si essentielle. Si notre demande vous semble aussi juste qu'elle nous le parait, nous sommes sûrs que vous daignerez nous favoriser. Notre demande est la suitte naturelle de notre brévet. Nous sommes dans un cas unique, lequel ne peut tirer à aucune conséquence.

Nous vous supplions d'ajouter cette grâce aux bontez dont vous nous avez toujours honorez.

Nous envoyons copie de la requête et du brevet à Mgr le duc de Choiseuil. Il faudrait que nous fussions bien malheureux si nous ne réüssissions pas avec de tels protecteurs. Nous pensons que cette grâce dépend de votre ministère, et nous attendons tout de la bonté de votre cœur.

J'ay l'honneur d'être avec le plus profond respect

Monseigneur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire