1759-05-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Bussy.

Plus je suis touchée de vos bontez Monsieur et plus mes importunités augmentent.
Mon Oncle prétand que vous avez le coeur sensible malgré votre place, j'espères tout de cette belle qualité.

Mettez vous un petit moment à la place d'une parisiene qui se trouve dans les glaces du mont Jura, et dont la terre lui devient onéreuse et inhabitable si elle n'obtient pas la confirmation d'un malheureux privilège attaché depuis trois cens ans à cette terre.

Je compte si fort sur votre envie d'obliger et sur l'habitude où vous êtes de faire réussir toutes vos négociations, que j'espère avoir mon brevet et vous en être obbligée toute ma vie.

Ce brevet si vous le vouliez bien consisterait en la conservation des privilèges pour la terre de Fernay, domaines adjacents et terres par moy acquises qui seront légalement reconnues être de l'ancien dénombrement; conservation du droit des dixmes et autres privilèges dont mes précédesseurs seront reconnus avoir joui.

Cette tournure ne compromet personne, elle est toutte entière dans l'esprit de la loy, elle n'est qu'une grâce du Roy dont je ne peux abuser, elle prévient toutte chicane.

Je vous réitère mes remerciments, et les sentimens avec les quels j'ai l'honneur d'être Monsieur Votre très humble et très obbéissente servente

Denis
V.

P. S. Ma nièce n'a-t-elle pas raison, monsieur, dans ses demandes et dans sa confiance en vous? que M. le duc de Choiseuil et vous ayent pitié des marmottes du mont Jura.

On prétend que l'armée d'exécution a été exécutée. J'en suis fâché. De profundis pour tous ces gens là et pour moy.