1762-10-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Je reçois la lettre du quatre octb de mes divins anges.
Tant mieux que M. le comte de Choiseuil n'ait besoin de personne, tant mieux que le prise de la Havane(que nous savions il y a huit jours) ne nuise point aux négociations de la paix, tant mieux que les malheurs de la France et de l'Espagne (qui réunies à la maison d'Autriche auraient dû donner la loy à l'Europe) contribuent à cette paix devenüe si nécessaire.

Pour revenir au tripot, M. le maréchal de Richelieu m'a montré un projet de déclaration du roy enregistrable au parlement en faveur des comédiens. J'ay pris la liberté d'y mettre quelques mots qu'il a approuvez.

Il faut que mes anges n'aient pas reçu en leur temps les vers qui terminent la tragédie de Zulime tels qu'ils ont été récitez en dernier lieu dans notre tripot, et tels qu'ils doivent faire effet à Paris àmoins qu'on ait le diable au corps.

J'ay mandé que nous avions joué Olimpie. J'étais soufleur. J'ay jugé, j'ay condamné, j'ay refait et tout va bien. Le rôle d'Olimpie est devenu le rôle principal. Cela était absolument nécessaire.

J'ay envoyé à mes anges un gros paquet que j'ay supplié à mes anges de faire rendre à madame la comtesse d'Egmont.

J'ay fait part à mes anges de l'infâme tracasserie qu'on me fait. Je leur ay envoyé la lettre qu'on m'impute. Je serais bien fâché pour m. le duc de Choiseuil qu'il m'dût soupçonné un moment. Comment avec le goust et l'esprit qu'il a, pourait il avoir eu un si abominable moment de distraction? J'avoue que je voudrais qu'on pût trouver et punir l'auteur de cette coupable impertinence.

Mes anges ne m'ont jamais dit s'ils avaient donné mon petit compliment à m. le comte de Choiseuil.