1761-10-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes anges ont terriblement affaire avec leur créature.
Je pris la liberté de leur envoyer il y a quelque temps un paquet pour madame du Deffant. Il y avait dans ce paquet une lettre pour elle, et dans cette lettre je luy disais, rendez le paquet aux anges quand vous l'aurez lu afin qu'ils s'en amusent. Je n'ay point entendu parler depuis de mon paquet.

Le droit du seigneur vaut mieux que Zulime: et cependant vous faittes jouer Zulime.

Olimpie ou Cassandre vaut mieux que le droit du seigneur. Qu'en faittes vous?

N. b. qu'au commencement du troisième acte le curé d'Epheze dit peuples secondez moy.

Je n'aime pas qu'on acoutume les prêtres à parler ainsi. Cela sent la sédition, cela ressemble trop à Malagrida et à ce boucher de Joad. Mes prêtres chez moy doivent prier dieu, et ne point se battre. Je vous supplie de vouloir bien faire mettre à la place

Dieu vous parle par moy.

Un petit mot de Malagrida, et de l'Espagne je vous en prie.

J'ignore l'auteur des car, mais Lefranc de Pompignan mérite correction. Il serait un persécuteur s'il était en place. Il faut l'écarter à force de ridicules. Ah s'il s'agissait d'un autre que d'un fils de France, quel beau champ! quel plaisir! Marie Alacoque n'était pas un plus heureux sujet. Mais apparemment l'auteur des car, est un homme sage qui a craint de soufletter Lefranc sur la joue respectable d'un prince dont la mémoire est aussi chère que la plume de son historien est impertinente.

Dites moy donc quelque chose de l'Espagne en revenant d'Epheze, ô divins anges, des ailes des quels je baise le bout.

Apropos il m'est venu un jésuitte portuguais qui m'a demandé de l'employ dans ma maison. Je luy ay cité l'aumônier Poussatin, je luy ay proposé un habit de laquais et sans made Denis j'aurais un laquais jésuitte. Il est cruel que la chose n'ait pas eu lieu.

V.