1762-10-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes divins anges, j'ay bien des tribulations.
La première, c'est de ne point recevoir de vos nouvelles.

La seconde c'est d'avoir vu jouer Cassandre, d'avoir été glacé de l'évanouissement de Statira, et d'avoir été obligé de refaire la valeur de deux actes.

La troisième c'est d'être malade.

La quatrième c'est la belle lettre qu'on m'impute, et que je vous envoye. Je voudrais qu'on en connût l'autheur et qu'il fût pendu. Il y a dit on des personnes à Versailles qui croyent ce bel ouvrage de moy, et c'est de Versailles que l'on me l'envoye. Il y a aparemment peu de goust dans ce pays là. Mais je n'imagine pas qu'on puisse m'attribuer longtemps de si énormes bêtises et de si grandes absurditez. Pour peu qu'on réfléchisse l'impossibilité saute aux yeux. D'ailleurs je suis acoutumé à la calomnie.

Vous ne m'avez jamais dit si vous aviez présenté ma petite félicitationà M. le comte de Choiseuil. J'attends votre réponse sur le Tronchin qui peut luy être utile, et qui a assez de mérite et de bien pour se passer d'être utile.

Vous pensez bien qu'en refaisant Olimpie je n'ay pu songer ny à Mariamne ny à Oedipe. Je ne me porte pas assez bien pour avoir à la fois trois tragédies sur le métier, et une calomnie sur les bras.

Je supplie mes anges de vouloir bien avoir la bonté de faire parvenir ce paquet à madame la comtesse d'Egmont, fille de M. le maréchal de Richelieu.

Je vous renouvelle mes tendres respects.

V.