1762-10-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Cosimo Alessandro Collini.

Voicy ce qui m'est arrivé, mon cher secrétaire de la famille d'Alexandre, et de s. a. El. palatine.
On a représenté Olimpie chez moy. Made Denis y a joué comme melle Clairon, et melle Corneille s'est surpassée. Mais la mort de Statira, son évanouissement sur le téâtre m'ont glacé, et l'amour d'Olimpie ne m'a paru assez dévelopé. Je suis devenu très difficile quand il faut plaire à leurs altesses élects. J'ay tout changé, et la nouvelle leçon que je vous envoye me paraît infiniment mieux, ou infiniment moins mal. Si la pièce n'est pas encor jouée à Shwessingen je demande en grâce qu'on diffère, jusqu'à ce que les acteurs sachent les trois derniers actes tels que je les ay corrigez. Il s'agit de mériter le suffrage de Mgr l'électeur. Il ne serait certainement pas content de l'évanouissement de Statira. Il vaut mieux tard que mal, et cela en tout genre.

Je vous supplie instament de présenter mes très humbles obéissances au chambelan qui dirige les spectacles et à son ami dont j'ignore le nom mais dont je connais le mérite par des lettres qu'il a écrites à mr de Chenevieres, premier commis de la guerre à Versailles. Vous trouverez aisément à débrouiller tout cela. En vérité, je n'ay pas un moment à moy. Je suis surchargé de tous côtez. Aimez moy toujours un peu.

V.