1758-07-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Jk hab seine brief ontfangen madame.
Un peu d'exactitude s'il vous plait; vous avez dû recevoir deux lettres de moy, l'une à Turin, l'autre que made Denis a dû vous rendre.

Vous voilà donc à Monrion et je n'ay donc pu avoir l'honneur de vous y accompagner et de vous y offrir mes services! Voyez ce que c'est de vouloir faire une plaisanterie, et de prétendre donner de la surprise quand il fallait donner des espérances! Vous avez trouvé le secret de me mettre à cent quarante lieues de vous, quand je devois avoir la consolation de vous revoir. Ne me jouez de votre vie, de pareils tours, je vous en conjure. Vous ne savez pas combien je vous suis attaché, et quelle peine vous m'avez faitte. Je suis désespéré de n'être point à Monrion. J'ay bien peur que vous n'y soyez très mal à votre aise, mais il parait que vous êtes faitte à la fatigue. Je me flatte du moins madame que vous ne vous chargerez pas de la nouvelle fatigue d'aller à Vienne, avant que j'aye eu le bonheur de vous revoir dans votre triste hermitage suisse. Vous pensez bien que j'ay plus d'une chose à vous dire. Il m'était impossible de différer plus longtemps le voiage que je devais faire chez L'Electeur palatin. Je vais l'abréger. J'aurai l'honneur d'être chez vous certainement avant la fin du mois d'aoust. Vous ne devez partir que vers les premiers jours de septembre. Ne vous pressez pas. Subissez la punition que vous méritez de rester à Monrion pour avoir fait une niche à votre ancien serviteur. Vous avez fait manquer le premier rendez vous, ne faittes pas manquer le second.

Vous savez que les hessois ont été battus, que nous avons repris toutte la Hesse, que les russes avancent de trois côtez, et qu'en général les affaires de votre duchesse vont bien. Il n'en est pas de même du côté de Dusseldorf. La capitulation de cette ville donne aux hanovriens un prodigieux avantage. Je me réjouis avec vous des succez de votre duchesse, et je m'afflige avec vous des malheurs de Pikebourg, s'il est vray qu'il y avait un régiment de la Lippe dans l'armée hessoise.

Le bien et le mal sont versez à pleines mains, mais le mal surtout.

Adieu madame jusqu'au moment où je viendrai vous renouveller mon tendre respect.