1762-08-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Cosimo Alessandro Collini.

Vous allez donc, mon cher ami, être l'inspecteur des jeux; si la trappe réussit, je suis pour la trappe; je ne me servis de coulisses pour brûler Olimpie, que parce que je ne pouvais avoir de Trappe.
Je faisais apporter un autel, haut d'environ trois pieds. On portait sur cet autel des offrandes qu'Olimpie devait faire. Olimpie montait sur un petit gradin, derrière cet autel. Les flammes cependant, s'élançaient à droite et à gauche, fort au dessus des deux coulisses fermées, sur lesquels étaient peints des tisons enflammés. Olimpie déscendait rapidement de son petit marchepied, elle passait comme un trait en se baissant un peu entre les deux coulisses ouvertes qui se refermaient sur le champ, elle se mettait en sûreté, et alors les flammes redoublaient.

Aureste, s'il en est encor temps, vous trouverez cy joint un petit changement au cinquième acte qui m'a paru nécessaire. Nous allons jouer aussi Cassandre à Ferney, mais à peine pourrai-je l'entendre, car en vérité, je deviens sourd et aveugle. Le païs de Gex est charmant, mais il est entouré de montagnes de neige que je crois fort mal saines.

On dit que la Tragédie de Russie recommence, qu'on est sur le point de voir une seconde révolution; je ne crois pas cette nouvelle fondée, mais enfin dans ce monde, il faut s'attendre à tout. Ma fluxion m'empèche de vous écrire de ma main, je suis dans un état assez désagréable. C'est assez le partage de la vieillesse. Je vous prie très instamment d'empècher l'impression de la pièce, de ne la donner au soufleur que dans le moment de la représentation, et de retirer les rôles dès que la pièce aura été jouée. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Je me mets aux pieds de Leurs Altesses Electorales.