1762-07-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Cathala.

L'affaire de Toulouse prend tous les jours une couleur plus noire.
Le parlement a fait défense au greffier de communiquer la procédure, et même de donner copie de L'arrêt. On demande deux cent Louis d'or pour la communication de cette malheureuse procédure. Ce sont des faits que nous ne pouvons prouver que par Lettres, et ces Lettres sont écrites par des personnes qui craignent de se compromettre.

On va plus loin, on craint même que la procédure ne soit falsifiée. Il est reconnu que toute cette horrible avanture a été une affaire de religion. Tant d'horreurs et tant d'absurdités n'auraient pu s'accumuler sans la main du fanatisme.

Les personnes qui connaissent le fond de cette affaire, et qui sont persuadées de l'innocence des Calas comme de leur éxistence, se reposent sur la bonté de ceux qui protègent à Paris cette famille infortunée.

Nous ignorons encor si on prendra le parti de faire sommer le greffier de donner au moins copie de l'arrêt, et nous doutons qu'on puisse trouver un huissier qui fasse cette signification. On nous flatte qu'on peut s'adresser au Roy dans son conseil privé. On nous assure que c'est le sentiment de mr le Comte de St Florentin, et nous espérons que made la marquise de Pompadour en parlera, si elle ne l'a déjà fait.

Si le conseil privé veut bien ordonner (vû l'importance et la singularité de l'affaire) que le procez lui soit représenté, cette démarche, qui parait naturelle et juste, épargnera beaucoup d'argent, de temps et d'embaras. Alors, le Roy poura renvoyer la revision du procez, soit au Conseil des parties, soit au grand Conseil.

Nous plaidons d'abord devant le public, avant de porter la cause au Roy. Nous pensons que c'est au public, instruit par nos mémoires, éffraié et attendri par une avanture si cruelle, à nous préparer la bienveillance de tous les juges, quels qu'ils puissent être. C'est la protection du public que nous demandons aux personnes qui nous favorisent; leurs suffrages et leurs bontés sont la seule consolation de la famille la plus malheureuse et la plus innocente.