à Dalvitz le 27 de Juin, 1762
Je Vous félicite Monsieur, et du meilleur de mon coeur, de n'être pas mort. Voltaire doit vivre, aussi longtems que possible. Jamais Minerve et les Muses, jamais la raison et le bon goût, ne lui donneront congé volontairet pour l'autre monde. Mais il faut Monsieur, Vous hâter de Vous rétablir. J'entrevois un peu d'humeur noire, reste de Vôtre maladie, dans l'affreux dessein de ne pas si tôt rétoucher à l'histoire du grand Czar. Le tôme que Vous en avez fait paraitre, ne contient absolûment nul germe pour ces tracasseries orageuses qui Vous font peur et quant à ceux qui doivent suivre, il i a moïen de concilier le public et les Princes, en ne disant que des vérités, et en ne les disant pas toutes. Remettez Vous donc Monsieur je Vous conjure à Votre tâche; nul dégoût ne doit Vous dispenser de l'achever, elle est trop digne de Vous. Lors qu'elle sera faite, je Vous attens à l'histoire d'un troisième héros du Nord, assez héros je pense, pour soutenir la vérité en face, ce que peut-être ni Charles douze, ni Pierre le grand n'eussent fait, à l'histoire du Roi Stanislas. Il serait beau de la lire de Vôtre main, et certain pressentiment me dit que nous l'aurons. Si au lieu de vivre dans ce siècle archi-de-fer, nôtre éxistence eût été réculée jusqu'à celui qui suivra, je Vous démanderais à génoux une Frédériciade.
Céci n'est qu'une lettrine Monsieur! Vous aurez bientôt une lettre, si je puis obtenir certains papiers que je quête pour Vous. Adieu Monsieur! Je fais des voeux pour Vôtre santé, et croirais être infidêle au bon-sens, si je l'êtais à l'admiration solide, et aux égards distingués dont je suis,
Monsieur
Vôtre très humble et très obéissante servante
Bassevitz