1764-03-03, de Gräfin Sabina von Bassewitz à Voltaire [François Marie Arouet].

Me voilà bien fière, Monsieur! J'ai trouvé quelqu'un qui s'imagine, que ma récommandation lui vaudra un favorable accüeil de Vôtre part.
Souffrez donc, que j'aïe l'honneur de Vous le présenter, Monsieur, par cette lettre, et de Vous demander pour lui l'avantage de Vos bontés. C'est Mr de Lehslen, Gentilhome de mon païs, et mon proche parent. Engagé dans les troupes d'Hanovre, il s'i est distingué à faire tout le mal qu'il pouvait à Vôtre nation, Monsieur, pendant qu'il le devait. Affranchi par la paix de ce barbare dévoir, il est allé s'instruire chez elle, et maintenant il désire de connaitre l'auteur illustre, par qui elle brille avec tant d'éclat, et que la postérité charmée lira, quand elle ne saura plus, qu'il ÿ eût des Soubises et des Etrées.

N'avez vous plus rien à dire, Monsieur, de Pierre le Grand? et le coeur ne Vous dit il pas, que le vrai héros de la vertu, le sage sans tâche, que Stanislas, Vous réclame pour son historien? Ou bien êtes Vous las d'histoire, et préparez Vous au public des sujets d'admiration d'un autre genre? Et coment và Vôtre santé et Vôtre vüe? Puissai-je Monsieur, en apprendre de bonnes nouvelles! Je prends un intérêt infini à Vôtre santé et Vôtre bienêtre, et me pique d'être insurpassable, dans les sentimens de considération qu'on Vous doit, et avec lesquels je suis,

Monsieur

Vôtre très-humble et très obéïssante servante
Sabine, Ce de Bassevitz