J'ai étés malade depuis plussieurs semaines, c'est ce qui m'a empéchée Monsieur de répondre plus tôt qu'aujourdhuy à Votre charmente lettre du quatre du mois passé.
J'ose me flatter de Votre part que Vous ne douterés pas Monsieur que sans le motif que je viens d'alléguer je voulusse me priver d'honeur et du plaisir de Vous écrire. Que ne suis je assés riche pour pouvoir Vous dédomager de la perte que la mort de l'impératrice de Russie Vous cause? que je serois heureuse et digne d'envie! Soyés persuadés Monsieur que ce n'est pas une fadeur que je Vous dis. Hélas je ne sens que trop mon insuffisance et nos malheurs. Nous somes bien elloignés du calme que Vous nous suposes. Nous souffrons extrèmement, et cette Anée beaucoup plus que dans tous le cours de cette funeste guerre. Mais a quoi sert il de se plaindre et de se lamenter? Il faut espérer que tout cela finira enfin. Il n'est pas nécessaire je pense, d'ajouter que je souhaite avec ardeur la fin de ces maux qui nous presse. Tout le monde assure que le nouvel empereur de Russie vas faire sa paix avec le Roi de Prusse: cepandant je ne voudrois pas garentir Monsieur l'autenticité de cette nouvelle, ni les concéquences qui en résulterons, encor moins le repos général de l'Europe qui nous seroit si nécessaire à tous. Vous saurés sans doute que le Maréchal de Broglie ne comendra plus? mais j'ignore encor le nom de son successeur. Nous ne manquons pas ici de grande et bone compagnie. Il faut rendre justice à Votre nation qu'elle sait adoucir le mal qu'elle fait; elle égaie tout, elle anime tout, et sa société plait toujour. Nous nous entretenons souvent de Vous et de Vos ouvrages. Quand aurai je donc Monsieur la nouvelle tragédie que Vous m'avés promis il y a longtems? je l'attens avec impatiance. Je suis flattée de trouver mon nom parmis tant de persones respectables qui se trouve dans la liste de souscription que Mr: Cramer de Geneve nous a envoyé aparement par Vos ordres. Je lui ferai remettre l'argent au premier jour pour les douze exemplaires que j'ai souscris. Je suis un peu honteuse de n'en avoir pas pris d'avantage mais j'ose le dire Monsieur qu'il y a un peu de Votre faute: si j'avois sûs le prix j'en aurois pris une fois autant et cela avec bien de la satisfaction. Cette nièce du grand Corneille mérite bien d'avantage, Et Vôtre plûme est audessus de toute récompence. Continués Monsieur à m'honorer de Votre souvenir et de Votre Amitié, elle fait ma consolation et ma gloire. Toute ma famille pense de même, et ma chère Amie l'aimable Buchwald Vous aime à l'adoration. Que ne pouvés Vous être témoin de nos aclamations et de nos sentimens pour Vous.
ce 4 mars 1762