1761-11-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Il est évident mon cher Monsieur que le mémoire contre notre pauvre petite province a été suggéré par quelqu'un des employez dans le sel et dans le tabac.
Car d'où monsieur d'Erigni pourait il savoir qu'il y a eu dans ce pays cy une duppe qui a acheté des terres au denier soixante? La malignité de nos ennemis conclut de ce que j'ay fait un mauvais marché, que le pays est la terre promise? C'est très mal conclure. J'écrisà Mr Bouret mon ami, frère de mr d'Erigni, une lettre assez forte dans la quelle j'allègue les mêmes raisons à peu près que vous verrez dans le projet de mémoire que je vous envoye suivant vos ordres, pour que vous ayez la bonté de le rectifier. Je pense qu'il ne s'agit plus de discuter les choses qui ont été tant rebatues, mais qu'il faut s'attacher dans notre mémoire à mettre le conseil de notre côté, à faire sa propre affaire de la nôtre, à intéresser Monsieur de Trudaine qui se trouve compromis, sans trop offenser les fermiers généraux que nous supposons être trompez par un de nos ennemis.

L'arrangement du sel forcé est si raisonable que nous devons espérer baucoup de la fermeté de Monsieur de Trudaine, des bons offices de Monsieur l'intendant et même de la conversion de monsieur d'Erigni.

Donnez moy d'ailleurs vos ordres et soyez sûr monsieur de mon zèle pour le bien public et de l'attachement pour votre personne avec le quel je serai toutte ma vie

Monsieur

v. très humb obéisst servitr

Voltaire