1761-10-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Je suis très affligé de l'état du pauvre du Pan, et j'aime baucoup son père.
Je conçois touttes les raisons que vous m'alléguez. Mais je n'admets que celle du cœur. Vous sacrifiez à l'amitié. Vous le devez. Mais il ne faut pas profaner ce sacrifice par des considérations étrangères. Vos allobroges pensent ils qu'il fût permis à Paris et à Versailles de donner une fête le jour de la mort de son ami ou pendant son agonie? Mes frères ne respectez que l'amitié et non pas le pédantisme. Croyez fermement que les mœurs de la nation française valent bien celles de Geneve. Nous savons être amis et ne pas craindre les sots. Je vous jure que si vous mourez vendredy je ne jouerai pas la comédie. Mais je ne veux pas que vous jouiez aux cartes le jour de ma mort. Je vous aime.

V.