21e mars 1776
Monsieur,
Après avoir lu votre Vénus j'ay dit entre mes dents,
Je vous rends mille actions de grâces monsieur de m'avoir fait l'honneur de m'envoier votre dissertation. Votre accessit selon moi signifie, accessit ad deae templum.
Je crois fermement qu'il n'y a jamais eu de culte contre les mœurs, c'est à dire contre la décence établie chez une nation. Le phallus et le kteis n'étaient point indécents dans les pays où l'on regardait la propagation comme un devoir très sérieux. Je sçais bien que partout les fêtes, les processions nocturnes dégénèrent en parties de plaisir. On voit dans Plaute un amant qui avoue avoir fait un enfant dans la célébration des mistères, à la fille de son ami, comme chez vous on fait l'amour à la messe et à vèpres. Mais dans l'origine les fêtes n'étaient que sacrées. Les prêtresses de Baccus fesaient vœu de chasteté. Si les jeunes filles dans Rome se montraient touttes nues devant la statue de Vénus dans une petite chapelle c'était pour la prier de cacher les défauts de leur corps aux maris qu'elles allaient prendre.
Il est ridicule que de prétendus savants aient regardé des bordels tolérés comme des loix relligieuses, et qu'ils n'aient pas sçu distinguer les filles de l'opéra de Babilone d'avec les femmes et les filles des satrapes.
Votre ouvrage monsieur est utile et agréable. Je vous sais bon gré de l'avoir orné de monuments très instructifs. Votre Venus émergente est admirable, et pour votre callipigi,
Vos recherches à l'occasion du temple d'Ericine sont aussi intéressantes que savantes. Enfin je vous crois interprète de la déesse autant que Mgr le duc d'Orleans.
Agréer Monsieur les sincères remerciements, la respectueuse estime et la reconnaissance d'un vieillard très indigne de votre beau présent, mais qui en sent tout le prix.
V.