3 octb [1761]
Au mercure, au mercure! Mais Marce Tulli memor sis pictoris Watelet.
Mettez son nom dans la liste des bienfaicteurs cornéliens. Je vous trouve bien timide. C'est à nos âges qu'il faut être hardi. Nous n'avons rien à risquer. Aussi je m'en donne! . . .
Je vous avertis mon maitre que j'ay commenté déjà presque tout Corneille avant que Gabriel Crammer ait encor fait venir le caractère de Paris. Si les vieillards doivent être hardis ils doivent être non moins actifs, non moins prompts. C'est le bel âge pour dépêcher de la Besogne.
Je vous supplie de dire à l'académie que je compte luy envoyer tout le commentaire pièce à pièce selon l'ordre des temps. Il faut qu'on pardonne à mon premier canevas. Je jette sur le papier tout ce que je pense au moment. L'académie juge, je rectifie, je renvoye le manuscrit en mettant des n. B. en marge aux endroits corrigez et aux nouvaux. L'académie juge en dernier ressort, alors je me conforme avec soin à sa décision, je polis le stile, je jette quelques poignées de fleurs sur mes commentaires comme le voulait le cardinal de Richelieu. L'académie dira peutêtre, vous abusez de notre patience. Non messieurs j'en use. Vous rendez service à la nation, vous fixez la langue française. Les commentaires deviendront grâce à vos bontez, une grammaire et une poétique au bas des pages de Corneille. On attend l'ouvrage à Petersbourg, à Moscou, à Yassi, à Kaminiek. L'impératrice de touttes les Russies a souscrit pour 8000lt, et les a fait compter à Gabriel Crammer, qui a déjà payé des graveurs.
Si l'académie se lassait de revoir mon commentaire je serais très embarassé. Je ne dois point m'en croire. Je peux avoir mille préventions. Il faut qu'on me guide. Un mot en marge me suffit. Cela me met dans le bon chemin. Marce Tulli, ménagez moy les bontez et [la] patience de L'académie. Interim, vive et [dilige me].
n. b.
Ajoutez je vous supplie à l'endroit où je parle de nos académiciens
mr le duc de Villars, mr l'archevêque de Lyon, m. l'ancien évêque de Limoge.
Cela ne vous coûtera que la peine d'insérer une ligne dans la copie pour le mercure.