Amsterdam, le 28 janvier [1737]
Je n'ai pu achever la lecture de l'Almanach du diable.
Je suis persuadé que Belzébuth sera très fâché qu'on lui impute un si plat ouvrage; il est très inintelligible; je ne sais si vous y êtes fourré. On dit qu'il y en a deux éditions; je vous les apporterai toutes deux. Il me paraît que ce titre, Almanach du diable, peut fournir une bonne lettre juive. Mon cher Isaac dira des choses charmantes sur le ministre Becker qui a fait le Monde enchanté pour prouver qu'il n'y a point de diable; sur l'origine du diable, dont il n'est pas dit un mot dans la très sainte écriture; sur son histoire faite en anglais.
Ah! mon cher Isaac, mon cher Isaac, vous êtes selon mon cœur! Que ne puis je travailler auprès de vous! que n'êtes vous à Amsterdam! Je n'attends que le moment d'être débarrassé de mes graveurs, de mes imprimeurs, pour venir vous embrasser. Mais quel tour les révérends ont ils voulu vous jouer! Ah! traditori!
Je vous prie de presser la publication de la lettre du petit bourgmestre. Embellissez, enflez cela: le canevas doit plaire à ce pays-ci. Il est bon d'avoir les bourgmestres pour soi, si on a les jésuites contre.
Mon cher Isaac, je vous aime tendrement. Je viens de lire le numéro où il est parlé de Jacques Clément et des précepteurs de Ravaillac. Vous êtes plus hardi qu'Henri IV; il craignait les jésuites.