1754-11-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.
Saepe premente deo fert deus alter opem.

Mandez moi donc mon cher ange, s'il est vrai que je suis aussi malheureux qu'on le dit, et s'il y a une édition à Paris de cette ancienne rapsodie qui ne devrait jamais paraître. J'ai vu à Lyon dans mon cabaret m. le maréchal de Richelieu qui craint comme moi cette nouvelle cruauté de ma destinée. Peutêtre avons nous pris trop d'alarmes sur un bruit qui s'est déjà renouvelé plusieurs fois. Mais après l'aventure de la prétendue histoire universelle tout est à craindre. Ma situation est un peu pénible. J'ai fait sans aucun fruit un voyage précipité de cent lieues. Je suis tombé malade dans une ville où je ne puis guère rester avec décence, n'étant pas dans les bonnes grâces de votre oncle, et ma mauvaise santé m'empêche d'aller ailleurs. J'attends de vos nouvelles. Il me semble que vos lettres sont un remède à tout.

Ma nièce et moi nous vous embrassons de tout notre cœur.

V.