1761-10-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Pinot Duclos.

Je vous supplie, monsieur, d'engager l'académie à me continuer ses bontés.
Il est impossible que mon sentiment s'accorde toujours avec le sien, avant que je sache comme elle pense, et quand je le sais, je m'y conforme après avoir un peu disputé, et si je ne m'y conforme pas entièrement, je tire au moins cet avantage de ses observations, que je rapporte comme très douteuse l'opinion contraire à ses sentiments et ce dernier cas arrivera très rarement.

Presque tous les commentaires sont faits dans le goût des précédents, ce sont des mémoires à consulter. Mr d'Argental doit vous avoir remis Médée et Polieucte. Il ne s'agit donc que de vouloir bien faire sur les deux commentaires de ces pièces ce qu'on a eu la bonté de faire sur les autres, c'est à dire de mettre en marge ce qu'on pense. Je suis un peu hardi sur Polieucte, je le sais bien, mais c'est une raison de plus pour engager l'académie à rectifier par un mot en marge ce qui peut m'être échappé de trop fort et de trop sévère. En un mot il faut que l'ouvrage serve de grammaire et de poétique, et je ne peux parvenir à ce but qu'en consultant l'académie.

Les libraires ne peuvent commencer à imprimer qu'au mois de janvier et ne donneront leur programme que dans ce temps là.

J'aurai l'honneur de vous envoyer la dédicace et la préface. L'une et l'autre seront conformes aux intentions de l'académie.