1761-05-06, de Voltaire [François Marie Arouet] à Ponce Denis Ecouchard Lebrun.

Mon cher correspondant saura que le lieutenant de police envoya ordre à ce nommé Fréron, il y a un mois, de venir chez lui, et qu'il lava sa tête d'âne au sujet de mademoiselle Corneille.
C'est à madame Sauvigny que nous en avons l'obligation. Je croyais que monsieur Le Brun en était instruit.

J'attends l'Ane littéraire avec bien de l'impatience.

Les Anecdotes sur Fréron sont du sieur La Harpe, jadis son associé et friponné par lui. Thiriot m'a envoyé ces anecdotes écrites de la main de La Harpe.

Voici quelques exemplaires qui me restent. On m'assure que tous les faits sont vrais.

Le D'Arnaud dont vous me parlez, monsieur, a été nourri et pensionné par moi à Paris, pendant trois ans. C'était l'abbé Moussinot, chanoine de Saint-Méry, qui payait la rente-pension que je lui faisais. Je le fis aller à la cour du roi de Prusse; dès lors il devint ingrat: cela est dans la règle.

Je suis fâché que l'avocat de mademoiselle Clairon ait fait un plat livre, plus fâché qu'on l'ait brûlé, et plus fâché encore que notre siècle soit si ridicule.

Mille tendres amitiés.

V.