22 juillet [1770]
J'ai reçu, mon cher correspondant, les anecdotes manuscrites.
Il y en a plusieurs que j'avais déjà dans mes paperasses, et dont je n'ai point fait usage dans l'Histoire de la Russie, parce qu'elles étaient fort suspectes, et très contraires aux mémoires que l'impératrice Elisabeth m'avait fait remettre. Il y en a quelques unes dans votre manuscrit qu'il faudra beaucoup adoucir, car assurément je ne veux pas déplaire à ma Catherine qui venge l'Europe de l'insolence des Turcs.
Je voudrais qu'on vengeât le public d'un Fréron. On me mande que tout le fond de ce qu'on dit de lui est vrai. Si cela est, il faut donc le pilorier avec saint Billard et saint Grizel. Vous me feriez plaisir de m'instruire de tout ce que Thiriot a pu omettre, car je suis très curieux.
Je tâcherai, mon cher correspondant, de vous avoir le meilleur parti possible de vos historiettes russes et de tout ce que vous m'enverrez. Je suis à vous sans réserve. Je vous prie de m'envoyer la demeure de Jean Jacques Rousseau.