1764-06-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher frère, Gabriel Cramer n'a point fait tenir de Corneille commenté aux héros et héroïnes du théâtre.
Il dit qu'il croiait que Pierre Corneille s'était chargé de donner les œuvres de Pierre aux Dumênil, Clairon, Hus, Brizard et Lekain; mais je vois bien qu'il faut que je me charge de tout. J'ai donc encor recours à vos bontés, et à celles de frère Thiriot pour délivrer des éxemplaires à messrs Mariette, Beaumont, L'abbé Arnaud, Blin de St Maur, Lekain, Brisard, et à Mlles Dumênil et Clairon. Celà fait huit éxemplaires, et pour aller plus vite on pourait les donner brocher; je laisse tout celà à la discrétion de frère Thiriot.

Vous sentez combien la cassation de l'arrêt Toulousain me ranime. Voilà des juges fanatiques confondus, et l'innocence publiquement reconnue. Mais que peut-on faire d'avantage? poura t-on obtenir des dépends, dommages et intérêts? poura t-on prendre le sr David à partie? je vois qu'il est beaucoup plus aisé de rouer un homme que de lui faire réparation. Je vous embrasse tendrement.

Ecr: L'inf.

Encor un petit mot, s'il vous plait.

Il y a un mr De Belloy qui a fait des Tragédies, qui s'y connait, qui aime Racine. Il demeure chez mr Girardeau, dans L'impasse, dit-il, des quatre vents, près de la foire st Germain. Vous m'avouerez qu'un homme qui demeure dans un impasse, et non dans un Cu de Sac, n'est pas Welche, et mérite un Corneille. Il me parait essentiel d'en donner à ceux qui peuvent deffendre le bon goût contre le préjugé.