1764-06-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Gabriel Cramer qui sort de chez moi, mon cher frère, me dit qu'il fait donner des éxemplaires Cornéliens à Mlles Duménil, Clairon, Hus, à Le Kain et à Brizard.
Ainsi frère Thiriot aura cinq éxemplaires de moins à gouverner. Je suis à vos pieds, je vous demande pardon de vous lanterner de ces menus détails. Vous voiez que j'écris de ma main assez lisiblement, mais c'est que la fluxion qui était sur les yeux est tombée sur la poitrine.

Dites moi, je vous prie, mon cher frère, si la gazette Littéraire prend un peu de faveur. Il me semble que cette entreprise pourait un peu nuire au commerce de maître Aliboron dit Frèron. Je suis enfoncé à présent dans des recherches pédantesque de l'antiquité. Tout ce que je découvre dépose furieusement contre l'infâme. Ah! si les frères étaient réunis! interim vale et me ama.

Nb: Je ne sais, mon cher frère, si vous avez donné un Corneille à maître Cicéron De Beaumont. Il doit en avoir de préférence. N'est-il pas un des élus? Permettez que je mette icy une Lettre pour lui.

Il y a un mr Blin de St Maur qui a fait un joli recueil de vers. Il lui faut un Corneille commenté. Je voudrais bien que frère Thiriot me fit l'amitié de le voir, de lui donner de ma part un éxemplaire broché. Frère Thiriot pourait l'engager à donner un supplément des fautes que je n'ai pas remarquées, et à faire en général quelques bonnes réflexions sur l'art dramatique. Mr Blin de St Maur en est très capable. Il demeure chez Mr Borde, rue des capucins ou des capucines. Allons cher frère Thiriot, démenez vous dans cette grande affaire. Cher frère donnez un peu de vôtre zèle à frère Thiriot; qu'il n'épargne pas les frais, nous paicrons tout.