A Paris ce 4 Mars 1761 a
Monsieur,
Si vous n'avez pas reçu plutôt un exemplaire de votre tragédie permettez moi de vous rappeller (si cela peut me servir d'excuse) que dans le temps je vous demandai la quantité d'exemplaires que vous en désiriez et que vous ne m'avez honoré d'aucune réponse à ce sujet.
Monsieur Dargental que j'ai vu depuis m'a dit que vous étiez étonné de n'en avoir point reçu et m'a fait de votre part des reproches d'autant plus sensibles pour moi, que d'aprez tous les sentimens que je vous dois tout naturellement, je suis bien éloigné de rien faire qui puisse vous déplaire. Vous en trouverez donc cy inclus deux exemplaires avec l'imprimé du Manuscrit que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Je ne sçai quels termes employer pour vous prier d'accepter mes remercimens et ma reconnoissance. J'étois aussi persuadé que vous, Monsieur, avant de si rares et si vives bontés de votre part que
mais il fallait encor cet exemple pour m'en convaincre et il n'est dû qu'à Monsieur de Voltaire d'en donner de pareils. Que ne m'est il permis de le publier partout? Pourquoi m'avez vous recommandé le secret? J'aurais non seulement la satisfaction de vanter mon bienfaicteur, mais encor le plaisir de confondre les fourbes, les envieux et ceux qui composent la partie honteuse de la littérature qui certainement aprez conviendroient avec moi et le reste de l'univers que s'il faut honorer Cybele on doit encore plus l'aimer. C'est dans tous ces sentimens que j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble Et très Obéissant serviteur
Prault P. fils