à Berlin 8 février 1752
Monsieur,
Quand j'apris le ministère de votre Excellence, je fus sur le point de luy en faire mon compliment, comme à mon compatriote. Car à la manière dont vous parlez notre langue ce seroit se tromper de ne vous pas prendre pour un français, et pour un des plus aimables. Ce n'est pas cependant la plus forte raison qui me fait prendre la liberté de vous présenter cet hommage. Je vous l'offre monsieur non seulement comme à un juge du stile et du goust, mais comme au meilleur juge de touttes les affaires que ce livre contient. Oserai-je encor supplier votre Excellence de vouloir bien me faire l'honneur d'en recevoir un exemplaire? Ce sont des prémices. L'ouvrage ne sera pas sitost publié. Les deux exemplaires même que vous trouverez dans ce paquet sont corrigez à la main, et par là ils deviennent des pièces rares dans les bibliotèques par leur singularité. C'est encor une des excuses de mon importunité. Je vous supplie monsieur de me compter toujours au nombre de ceux qui sentent le plus votre mérite, qui vous sont le plus dévouez et qui regrettent le plus l'honneur de votre société.
C'est avec ces sentiments vrais et respectueux que j'ay l'honneur d'être,
Monsieur,
de votre Excellence,
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire