à Potsdam ce 6 novembre 1750
Monsieur,
Permettez qu'un homme qui n'a pu encor satisfaire l'Extrême désir qu'il a toujours eu de venir rendre ses devoirs à votre excellence, et d'admirer une cour aussi brillante et aussi polie que la vôtre, puisse au moins s'en dédommager en vous présentant un hommage que je crois vous devoir.
Le sr Walters votre libraire ayant receuilli ce qu'il a pu de mes ouvrages, et les ayant imprimez, je me suis donné la peine de corriger à la main, touttes ses fautes, de rétablir tous les passages qu'il avoit altérez, de faire réimprimer plusieurs feuilles; et j'ay ainsi composé un exemplaire complet, qui étant par mes soins, presque unique dans son espèce, peut au moins par cette singularité mériter dans votre belle bibliotèque une place dont il est d'ailleurs peutêtre fort indigne.
Je ne prends la liberté monsieur d'offrir cet exemplaire à votre excellence que comme une place rare et qui ne se trouvera dans aucune autre bibliotèque. Par là cet hommage obtiendra votre indulgence. Je sçai que votre goust s'étend à tout. Quiconque aime les arts doit chercher à vous plaire. Je me tiendray trop heureux si vous daignez faire grâce à l'ouvrage en faveur des sentiments de l'autheur.
J'ay l'honneur d'être avec respect
Monsieur
de votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire chambellan du Roy de Prusse