à Potsdam ce 8 décembre 1750
Madame,
Au lieu des ambassadeurs gaulois que j'ay retranchez de Rome sauvée, en voicy un de Prusse, qui m'est témoin que je porte toujours à la cour du roy son maître les chaines de votre altesse se͞rissime, et qui vous répondra de ma fidélité quoyque j'aye l'air de L'inconstance.
Il peut dire si votre altesse sérénissime a icy des adorateurs, et si elle n'est pas de ces divinitez qui ont des templex chez touttes les nations. Monsieur d'Ammon, chambellan de sa majesté le roy de Prusse, et son envoyé extraordinaire en France, aura l'honneur de vous adresser son encens de plus près que moy, mais je me flatte de le suivre bientôt. J'ay cru madame que mes hommages en seroient mieux reçus s'ils vous étoient présentez par des mains qui vont resserrer encor les liens de L'amitié de deux grands rois. Il n'y avoit au monde que Federic le grand qui pût m'enlever à la cour de madame la duchesse du Maine, mais tous les héros passez et présents ne diminueront jamais rien de mon admiration et de L'attachement que je luy ay voué pour toutte ma vie. Les grands hommes me rappeleroient sans cesse son idée, si elle pouvoit s'effacer de mon cœur.
Je suis avec le plus profond respect,
Madame,
de votre altesse sérénissime,
Le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire