1751-01-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Graf Samuel von Cocceji.

Monseigneur,

Voicy l'affaire dont je voulois parler à votre excellence.
Le juif Hirshell, écrit contre moy dans toutte L'Europe. Il répand jusqu'en France par ses émissaires que je luy ay volé des diamants, et il fait passer en France la même calomnie dont un laquais L'a convaincu en présence de votre excellence. Je suis un étranger, officier du Roy de France, j'ay en France toutte ma famille, et je dois compte de mon honneur, au souverain sous le quel je suis né, et à ma famille qu'un juif déshonore.

Je demande en grâce à votre excellence qu'elle daigne me donner, ou me faire donner le certificat cy joint, signé par elle même, ou par un greffier de la chancelerie ou par un secrétaire, afin que j'envoye en France ce certificat, entièrement conforme à la plus exacte vérité.

Quant à La dernière conversation, je vous suplie de pardonner à un étranger qui ignore les loix et la langue, et qui par là, mérite votre indulgence. J'avoue que j'ay été étonné, que ma partie adverse ait été reçue à produire des deffenses, vagues, et sans preuve, contre son billet formel portant quittance générale. C'est moy même qui écrivis ce billet, et si j'avois pensé que ces mots quittance générale n'annulloient et n'anéantissoient pas tous engagements précédents, j'aurois employé des expressions plus fortes.

Mais encor une fois pardonnez à mon ignorance. Je ne pensois pas que le juif Hirshell pût jamais plaider contre une quittance générale. Je conçois que Le désir de rendre une justice plus exacte, et d'être mieux informé de tout, empêche votre excellence d'admettre la fin de non recevoir. J'en révère davantage votre esprit de Législateur; et j'en attends une décision plus favorable. J'espère que mon avocat sera bientôt en état de deffendre un étranger sans appuy. Mais en attendant je suplie votre excellence de daigner m'acorder le certificat que je demande, et que je dois envoyer par un courier prest à partir.

J'ay l'honneur d'être respectueusement,

de votre Excellence,

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire