1751-05-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Johanna Elisabeth von Schleswig-Holstein-Gottorp, princess of Anhalt-Zerbst.

Monsieur,

Je suis trop sensible, Monsieur, à la manière obligeante dont vous avez bien voulu vous prêter à la Comission hardie, dont j'avois osé charger Madame la Comtesse de Bentinck; et trop véritablement reconnoissante, pour ne pas me porter avec autens d'empressement que de plaisir à vous faire mes remercimens au sujet de la belle inscription et du prétieux don que vous avez eu la politesse d'y ajouter: Mais vous n'avez peut-être pas senti, Monsieur, ce que vous m'allez imposer par là; vous me mettez dans l'obligation de former une Bibliothèque pour soutenir la réputation de femme lettrée que vôtre présent me done.
Il y attirrera les Savens et les Personnes de goût pour consulter ce rare exemplaire de vos œuvres avec la même ardeur qu'on examine un manuscrit de Virgile ou de Ciceron.

Comptés cependant, Monsieur, que cet exemplaire du receuil de vos ouvrages, pour n'estre pas dans la Bibliothèque d'un Savent, n'en est pas moins entre les mains d'une Personne qui a toujours sû admirer les productions de votre plume, et qui saura conserver ce morceau inestimable come un monument aussy flatteur que glorieux de l'attention d'un des plus grands homes de notre siècle. S'y l'estime, Monsieur, qui vous est dûe à ce titre, est un tribut que votre mérite exige, celle que je conserverais pour vous très particulièrement, est propres à me mériter votre amitié que je vous demandes en faveur des sentimens avec les quels je suis,

Monsieur

Votre toute acquiese amie et très humble servante

Elisabeth