1759-12-12, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Votre charmente lettre du 4 m'est parvenue hier.
Comptés Monsieur que j'aurois soin que la lettre au Banquier lui soit remise. La face des affaires change d'un jour à l'autre en Saxe, et nous ignorons encor à l'heure qu'il est, qui des deux parties beligérantes s'y maintiendra pendant cet hiver, tout est sujet à l'instabilité: il n'y a que mon Amitié pour Vous qui ne soit point sujète à ces vicissitudes. Il semble dans tout le cours de cette guerre que la providence veuille toujour tenir un équilibre impartial entre ces puissances. Les anglois à la vérité ont été bien heureux et bien glorieux toute cette campagne mais en échange le Roi de Prusse n'a eu que des désastrés. Que je serois charmée Monsieur si je pouvois Vous revoir encor avant la fin de cet hiver. Il fait bien froid ici depuis quelques jours: il faut espérer que come l'hiver a comencé plustôt cette anée il ne durera non plus aussi longtems que de coutume. L'aimable grande Maitresse des coeurs Vous attend presque avec autant d'impatiance que moi. C'est dire beaucoup plus que Vous ne sauriés imaginer. Mad: Pertriset est extrêmement flattée de Votre corespondence, soyés en persuadés Monsieur. Puisse cette corespondence aboutir à une heureuse issue, persone ne le souhaite avec tant d'ardeur. Vous pouriés bien en attendent Votre chère présence me consoler par quelque petit morceau de Vos productions. Je serois curieuse de savoir si le banquier dans sa corespondence ordinaire parle de l'autre. Conservés moi Monsieur Votre souvenir et soyés sûr de toute mon estime et de l'empressement que j'ai à Vous servir.