1760-01-24, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Vous êtes adorable en tout mon cher Monsieur de Voltaire.
Vous entrés dans le projet de mes enfans come si c'étoit la chose du monde la plus importante. Votre complaisance est extrême, Vous répondés à tout, avec une exactitude avec une promtitude charmente. Que je Vous ai d'obligation, que ne puis je Vous la témoigner au gré de mes désirs. Que n'ai je la satisfaction de Vous posséder ici et Vous voir instruire mes enfans pour les empêcher de ne pas trop gâter cette belle et admirable tragédie. C'est ma favorite, je la préfère à toutes celles que Vous avés faite; je Vous l'avoue je lui assigne le premier rang. Mes enfans sont ravis et enchantés d'oser la jouer: ils Vous présentent leurs égards. Dans leur âge on s'intéresse infiniment plus à se bien aquiter de son rôle de théâtre que de tous les malheurs que la guerre entraine. Pour moi je suis charmée de pouvoir les amuser et faire en même tems diversion à mes chagrins. La chère, l'aimable grande Maitresse que je compare à Vous par la complaisance, et qui s'entend parfaitement à la déclamation a la bonté de les conseiller et de les coriger. Ce maitre de langue ne fait pas mal non plus et vient tous les jours régulièrement leur doner leçon. Il a été autrefois officier et a joué pour son amusement dans les provinces. Cet honet home vient de faire la sotise de se marier à une allemande qui a pour tout bien un assés joli minois et de la jeunesse. La Pertriset est extrêmement flattée de Votre corespondance: j'amais elle ne s'y seroit attendue. Elle compte avoir bientôt réponse de son banquier. Elle m'assure qu'elle ignore absolument s'il voudra se défaire de sa toille, que je regarde pourtant come l'unique moyen pour se sauver. Peutêtre Monsieur que j'ajouterai quelques mots de ma main au cas que la réponse arive dans un moment de loisir. Si Vous conussiés cette fille jamais j'en suis sûre Vous ne Vous seriés avisés de lui adresser quelques lettres: elle n'est bone qu'à fesser les petits enfans. Tout est tranquille en Saxe. Cela n'empêche pas que la misère n'y puisse faire des progrès. J'avoue que je me suis doutée que le passage inconito de Mr: Tronchin par la Ville d'ici étoit un conte. Cepandant come il arrive des choses bien plus singulières encor dans le siècle où nous vivons, j'ai crus devoir Vous demander pour être mise au fait. Ne pouriés Vous pas Monsieur me dire à peu près le tems que nous pourions jouir de l'avantage de Vous voir. C'est une perspective délicieuse à mon cœur dont il ne faut pas me ravir la douce espérance. Ma chère Buchwald et moi nous en parlons tous les jours avec ravissement. Je Vous défie Monsieur de me nomer un endroit au monde où vous soyés plus aimés qu'ici. Pas même aux Delices, ni par Votre aimable nièce. Conservés Vous, ménagés Vous, et ne trouvés pas mauvais, je Vous en suplie, que je Vous importune tant par mon griffonage. Sans une défense expresse je reviens toujour à la charge car j'aime infiniment à Vous répéter que je Vous chéris et Vous admire jusqu'à la fin de mon existence.