1753-06-29, de Frederick II, king of Prussia à Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth.

Mon très cher Frère,

Je conte ce jour parmi les heureux puisque j'ai la satisfaction de vous assurer des sentiments de mon coeur.
J'ai fait une petite trêve avec les eaux, mes crampes et meaux ayant rompus celle que j'avois faite avec eux. Ma cure me paroitroit insuportable, me privant si souvent du plaisir de vous écrire, si je n'espérois qu'en la continuant elle me misse en état de jouir encore une fois du seul Bonheur après lequel je soupire, qui est de me retrouver auprès de ce que j'ai de plus cher au monde. Vous verez mon très cher Frère une vieille squelete qui ne vit que pour vous, dont vous êtes le Mobile, et qui peut être ne seroit plus si vous ne preniez soin de l'annimer par L'amitié que vous lui témoigné. Je Bennirai les eaux si elles contribuent à vous garantir mon cher Frère des meauvaises attaques que vous avés eues L'hiver passé. Il me semble que je renait lorsque j'apprends de bonnes nouvelles de votre santé. Nos Principautez sont encore ici. Tandis qu'on tâche à les amuser, je suis enfermée dans mon Antre come la sibile et tâche d'y goûter des plaisirs dont ma misérable santé me permet encore de jouïr. Je viens de recevoir tout un paquet de Voltaire et de Mme Denis que je prends la liberté de vous envoyer. Je suis fâchée qu'ils s'adressent à moi mais de crainte d'être compromise dans cette mauvaise affaire, je vous envoye mon très cher tous ce que je reçois de leur part. La Lettre de Mme Denis montre de la conduite et de l'esprit. Il paroit qu'elle n'est pas instruites des raisons qui vous ont porté à faire arêter son Oncle. S'il avoit suivi ses conseills il auroit agi plus Sagement. Je le Considère comme le plus Indigne et misérable des homes s'il a manqué de respect envers vous dans ses écrits ou dans ses paroles. Une telle conduite ne peut que lui attirer le mépris des honnêtes gens. Un home viff et Billeux come lui, entace sotise sur sotise lorsqu'il a une fois comencé à en faire. Son âge, ses Infirmitez et sa Réputation qui est Flétrie par cette catastrophe m'inspire cependant quelque Compassion pour lui. Un home réduit au désespoir est capable de tout. Vous trouverez peut être mon très cher Frère que j'ai encore trop de suport pour lui en faveur de son esprit, mais vous ne désaprouverez pas que j'aye pour lui la pitié qu'on doit même aux coupables dès qu'ils sont malheureux et lors même qu'on est obligé de les punir. Son sort est pareill à cellui du Tasse, et de Milton. Ils finirent leurs jours dans l'obscurité, il pouroit bien finir de même. Si L'Effort que font les Poètes à composer les Poèmes épiques leur fait tourner la tête nous pourions bien être privé de ce genre de Poésie à L'avenir puisqu'il semble qu'il porte guignon à ceux qui s'i apliquent. Je vous demande milles pardon mon très cher Frère du griffonage de cette lettre. Ma tête toujours revêche et vrayement femele en ce point m'empêche de la transcrire. Je suis avec toute la tendresse et le respect Imaginable.

Mon très cher Frère

votre très humble obéïssante soeur et servante

Wilhelmine