1770-06-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

J'aprends que le vainqueur de Mahon, et le dictateur des fourches caudines de Closter Seven a bien voulu faire pour son vieux serviteur ce que les Génois firent pour mon héros: proportion gardée, s'entend, entre le héros et le barbouilleur de papier.
Je le prie de recevoir les très humbles remerciements du squelete de Ferney, que Pigale a su rendre vivant. Ce squelete n'est en vie que pour sentir la reconnaissance qu'il doit à son Doien de l'académie.

Comme vous serez un jour le Doien des Pairs permettez moi de vous féliciter sur le succez indubitable du procez que Monsieur Le Duc d'Aiguillon a voulu absolument avoir devant les pairs. Il ne tiendrait qu'à vous d'avoir la bonté de faire gagner le procez des Guèbres au parlement du parterre de Bordeaux. Un mot à l'avocat général mr du Paty qui est un franc Guêbre, ferait l'affaire.

On dit que vous protègez prodigieusement une nouvelle pièce de Palissot, intitulée Le Satirique. C'est un beau grenier à tracasseries. Je vois que vous faittes la guerre aux philosophes ne pouvant plus la faire aux Anglais et aux Allemands. Celà vous amuse et c'est toujours beaucoup. Puissiez vous vous amuser pendant tout le siècle où nous sommes! Vous en avez fait l'ornement et vous en ferez la satire mieux que personne.

Je voudrais bien avoir une copie de vôtre statue, pour que la mienne fût aux pieds de la vôtre.

Agréez toujours, monseigneur, mon tendre respect.

V.