1770-10-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Mon cher et véritable philosophe, il y a d’étranges rencontres.
Le réquisitorien arrive à Ferney le même jour que vous, et Palissot arrive à Genêve la veille de Votre départ. Il y est encore On dit qu’il y fait imprimer un bel ouvrage contre la philosophie. Je n’ai eu l’honneur de voir ni l’ouvrage, ni l’auteur.

On prétend qu’un jeune philosophe, avocat général de Bordeaux, amoureux de la tolérance, de la liberté et de Henri 4, a été enlevé par lettre de cachet, et conduit à Pierre-en-Cyse; c’est apparemment pour ces trois délits. Mais Palissot aura probablement une place considérable à son retour à Paris; et Freron sera fait maître des requêtes.

Si vous pouvez vous arracher de Montpellier où il y a tant d’esprit et de connaissances; si vous allez à Aix comme c’était votre intention, on vous recommandera une affaire auprès de mr de Castillon qui pense comme mr Du Paty, et qui cependant n’habitera point, à ce que j’espère, le château de Pierre-en-Cyse; il vaudrait pourtant mieux y être que d’avoir fait certain réquisitoire.

J’ai peur que vous ne trouviez le requérant à Montpellier. Vous venez toujours après lui partout où il va.

Persequitur pede pœna claudo.

Bien des respects et des regrets à votre très aimable compagnon de voyage, autant à m. Duché, à mr Venel, et à quiconque pense. Made Denis vous fait les plus tendres compliments. Mon cœur est à vous jusqu’au moment où j’irai trouver d’Amilaville.