1732-09-24, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Voltaire [François Marie Arouet].
Eh bien Monsieur le Politique
Vous avez visité le Roy? . . . .
Il vous a bien reçu, je croy, . . . .
Le Courtisan d'un oeil oblique
Ne l'aura pas vû sans effroy . . . .
Voltaire à la cour? . . . . eh pourquoy? . . . .
Quelle ardeur des grandeurs le pique?
Brillant du Cothurne Tragique,
Des François qu'il laisse après soy
Seul orné du Laurier Epique,
Que luy faut'il? . . . . en bonne foy
Voudroit'il nous oster l'employ
D'embroüiller la chose Publique?
Connoissés mieux vos Concurrents,
On ne vient point briguer vos rangs,
Avec peu, qui sait luy suffire,
La Paix, ses amis, des Talents,
Ces biens si peu Connus des grands
Qui ne sont pour vous autres gens.
Voltaire a tous ceux qu'il désire.
Ne craignés pas plus la Satire,
De ses regards vifs et perçants,
Il saura voir sans en rien dire
Vos perfides embrassemens,
Il entendra vos Complimens
S'il se peut mesme sans en rire.
Il Laisse aux freslons malfaisans
Ces Poisons amers et cuisans,
Cette censure qui déchire,
Douce Abeille, aux prés renaissans
Ce n'est que Le Miel et la Cire
Qu'il va cüeillir dans le Printemps.
Par L'utile don qu'il en tire
Il flate le goust, il sait luire,
Voltaire dès ses jeunes ans
Ne voulut que Plaire et qu'instruire.
Mais aussy soufrés Courtisans
Que pour aquiter cet Empire
De tant d'ouvrages éclatans,
Henry quatre, Oedipe, Zaïre,
L'autheur en ait de Nostre sire
Au moins quelques remercimens.
Auguste aima Virgile, Horace,
Et chaque degré du Parnasse
Aprochoit du Trône et de luy.
Que Nostre Louis aujourd'huy
De son ayeul tenant la place
Du monde et des vers soit l'apuy,
Que d'Auguste suivant la trace
En dépit des jaloux il fasse
De Voltaire son favory.