6 février 1761
J'abuse un peu, monsieur, des bontés de l'aimable correspondant que dieu m'a donné: voici encore un exemplaire de la lettre al signore Albergati avec la jolie estampe de Gravelot.
Voici à présent tous mes besoins que j'expose à votre charité.
Je voudrais que m. de Sainte Foix pût voir la lettre à mr Albergati, c'est une petite amende honorable qu'on lui doit. Je voudrais que la petite vengeance honnête que j'ai prise de l'outrecuidant auteur de l' excellence italienne fût publique, et que copie collationnée fût envoyée aux intéressés du dit mémoire. Je voudrais que m. Thiriot n'exténuât point les témoignages d'estime que je dois à m. Le Brun; et que m. Le Brun fît punir Martin Fréron, non pas d'avoir trouvé son ode mauvaise, mais d'avoir outragé personnellement m. Corneille le père, sa fille, et made Denis qui daigne lui donner l'éducation la plus respectable.
Il me semble que tous les honnêtes gens devraient se liguer pour obtenir le châtiment de Martin, car enfin, monsieur, quelle famille sera en sûreté s'il est permis à un folliculaire d'entrer dans le secret des familles, de dire qu'une fille de condition sort du couvent pour être élevée par un bateleur, d'insulter au malheur de son père, de dire qu'il vit d'un emploi de cinquante francs par mois? Si l'on abandonne ainsi l'honneur des familles à l'insolence des gazetiers, il faudra se faire justice soi même.
Je prie m. Thiriot de vouloir bien m'envoyer les recueils J, L: je sais bien que ces petits recueils ne sont qu'un artifice d'éditeur pour attraper de l'argent, et qu'il est fort impertinent de vendre en détail en des in-douze ce qui se trouve dans des in-folio, mais puisque j'ai H, il faut bien avoir I.
Je suis indigné et affligé du roman de J. J. Rousseau; je supplie m. Thiriot de ne me point envoyer cet ouvrage. J'attends avec une impatience extrême celui de la Popliniere.
Mille tendres amitiés à tous les frères, je les prie de s'unir toujours à moi dans l'amour de dieu et du roi, et dans la haine des hypocrites et des fanatiques.