à Ferney le 3 auguste 1767
Madame,
Mon attachement pour votre altesse sérénisse qui durera autant que ma vie a réveillé il est vrai, ma sensibilité à la vue d'une nouvelle édition de la Baumelle dans la quelle il renouvelle les insolences, qu'il osa vomir il y a plusieurs années contre votre auguste maison.
Plusieurs étrangers même s'en sont plaints à notre ministère. Il est bien surprenant qu'un tel homme ait eu la hardiesse d'écrire à votre altesse Se. On luy a fait parler par Mr le marquis de Gudane, commandant du pays de Foix où il est exilé; on a supprimé son édition, et on l'a menacé, de la part du Roy de le punir très sévèrement s'il écrivait avec une pareille licence. Les autres personnes intéressées n'ont pas été aussi indulgentes que vous madame, parce qu'elles ne sont pas comme vous au dessus de ces outrages. Plus vous êtes grande, plus vous êtes clémente. Il résulte de la lettre qu'on a daigné écrire à cet homme en votre nom, qu'il partit de vos états avec une misérable servante voleuse. Il apartient bien à un tel homme de parler des princes et de les juger! Votre nom respectable est mêlé dans ses ouvrages à ceux de Louis 14 et de toutte la maison roiale infiniment plus outragée que votre altesse se. De tous ceux qu'il a insultez il n'a osé écrire qu'à votre personne, tant il a compté sur la bonté de votre caractère et sur votre clémence. Pour moy, je ne puis que garder le silence et ne point profaner votre nom par une justification qui est trop au dessous de ce nom que m'est sacré. Cette petite affaire m'avait fait sortir de ma létargie. Je me suis ranimé au bord de mon tombau pour renouveler à Votre altesse se les protestations de mon inviolable attachement et de mon profond respect.
le vieux Suisse V.