1767-08-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Étienne Noël Damilaville.

Mon cher ami votre lettre du 8 ne m'a pas laissé une goutte de sang.
Je crains que madame Dargental ne soit morte. C'est une perte irréparable pour ses amis. Que deviendra Monsieur Dargental! Je suis désespéré et je tremble.

M. le maréchal de Richelieu m'écrit sur l'avanture de ste Foy. Croiez moy la chose est très sérieuse. J'espère qu'à la fin l'innocence des protestants sera plus reconue au parlement de Bordaux qu'à celuy de Toulouse. Il me mande que la Baumelle n'est point de son département. Ce la Baumelle n'a été que fortement réprimandé et menacé par le commandant du pays de Foix, au nom du roy, et que s'il était de la province de Bordaux il aurait été plus que menacé. Ce n'est pas le silence de ce coquin que je demande; c'est une rétractation. Sans quoy on luy apprendra à calomnier. Ne tient il qu'à débiter des impostures atroces pour se taire ensuite et laisser le poison circuler? La Vaisse doit le renoncer pour son baufrère, s'il ne se repent pas.

Il paraît tous les huit jours en Hollande des livres bien singuliers. Je vois avec douleur qu'on a une bibliotèque nombreuse contre la relligion chrétienne qu'on devrait respecter. Vous savez que je ne l'ay jamais attaquée et que je la crois comme vous utile à l'Europe.

Il y a un monsieur Giraud avocat qui m'a envoyé un projet d'une école de déclamation, avec une lettre à la quelle je dois répondre depuis trois mois ainsi qu'à deux cent autres lettres. J'envoiais enfin ma réponse et je l'adressais à mr Dargental qui le connaît. Mais l'état de madame Dargental m'oblige de m'adresser à vous. Faites parvenir je vous prie ma lettre à ce mr Girau dont j'ignore la demeure.

Permettez aussi que je vous prie d'envoyer à M. de Laleu ce certificat qui assure que votre ami est encor en vie, quoy que cela ne soit pas tous à fait vray. Mais tant qu'il aura un soufle il vous aimera.

V.