Monsieur,
J'ai reçeu depuis quelques jours la Caisse que vous avez eu la bonté de m'expédier, & dont je vous fais mille remercimens.
J'écris aujourd'huy à M. Fessard; j'espère que nous finirons de manière qu'il sera content, & sans que vous soyez compromis le moins du monde, c'est sur quoi vous pouvez bien compter.
Monsieur Monnet vous dira combien nous avons été enchantés des desseins du Théâtre; je vous conjure Monsieur d'aller en avant, & soyez bien persuadé que je ne me mélerai de la gravûre en aucune façon; vous aurez la bonté de choisir vous même les graveurs, de les diriger, nous nous arrangerons vous & moi, & je n'aurai à faire qu'à vous. Je sais à merveille que l'Intérest dans tout ceci est le moindre de vos motifs, aussi (si comme je m'en flatte) nôtre entreprise réüssit, j'espère que vous ne vous plaindrez pas de moi. J'attends que mes 18 planches octavo soyent tirées, pour m'en aller à Paris; je ne dépends plus que de cette opération qu'il est important qui soit bien terminée avant mon départ.
La saison des vendanges, la Comédie que nous jouons sans cesse chez M. de Voltaire, différentes courses à la Campagne, m'ont empêché jusques à présent d'être bon à quelq. chose à Monsieur de la Fortière que je n'ai eu l'honneur de voir qu'un instant; mais je compte que la semaine prochaine je serai assés en ville, & alors je serai tout à son service.
Pourriés-vous Monsieur, me faire dessiner & graver tout de suitte une planche de forme indouze; & me l'envoyer d'abord par la diligence, à l'addresse de m. Camp, associé de M. Tronchin, Quay de St Clair à Lyon, à mes ordres.
Voici de quoi il s'agit; mais il faudroit que cela fût fait sur le champ & sans rien dire.
Il faut dessiner une Lyre suspendüe agréablement avec des guirlandes de fleurs à une branche d'arbre; & un âne qui brait de toutte sa force en la regardant, avec ces mots au bas.
Cette plaisanterie doit se mettre à la tête d'un petit ouvrage qui n'attend que cette estampe pour paroitre & que je vous envoyerai d'abord. Si vous ne pouvés pas faire cette petitte comission qui fairoit grand plaisir à nôtre cher philosophe, mandés-le moi d'abord, afin que je m'adresse ailleurs; cependant vous m'obligeriés sensiblement si vous vouliés mettre les fers au feu tout de suitte. Pardon Monsieur, agréés les sentimens distingués dont est pénétré pour vous
Vôtre très humble & très obéissant serviteur.
C. l'ainé
Geneve le 1er 9bre 1760
Vous fairés sans doute un dessein pour l'Ecossaise; nous parlerons ensuite de celui pour Tancrède & pour Fanime.