1772-12-14, de Gabriel Cramer à Charles Joseph Panckoucke.

Puisque vous & messieurs vos associez n’êtes pas disposez à vendre vôtre intérest dans l’Encyclopédie Monsieur, n’en parlons plus; je n’avois proposé cette acquisition que pour n’avoir pas des Comptes à rendre; d’ailleurs, rien ne me paroit plus douteux que le succès de nôtre entreprise, & je n’aime pas à courir trop de hazards.

L’avis est à merveilles, je ne doute pas qu’il ne fasse un peu avancer les souscripteurs.

Je ne vois pas quels arrangemens nous aurions à prendre, au cas, qu’enfin vous demandiez des Exemplaires: Tout ce que vous demanderez, sera envoyé en suivant vos ordres à la lettre: vôtre Compte en sera chargé conformément aux Conditions énoncées par le prospectûs, savoir, 700lt, l’Exemplaire, 3 mois de terme sur chaque envoy, & le 13éme gratis: si vous payés, tout sera dit; il en sera de vous comme d’un autre Correspondant; si vous ne payez pas, vous nous tiendrez Compte de l’Intérest, sur le pied de 5 p. % l’année, au-delà des termes prescripts par le Prospectûs.

Il y a deux ans edemi que je me captive, que je m’efforce, que je pâlis sur la besogne dont vous m’avez embâtté, il seroit juste aussi que vous vous évertuassiez; cette indifférence de vôtre part, n’est n’y ce que vous nous aviez promis, n’y ce sur quoi nous comptions: Paris sera ouvert disiez-vous, dés qu’il y aura 7 vollumes; en voici neuf, & tout à l’heure onze, nos magasins regorgent, & vous n’avez rien daigné faire encore, si ce n’est de nous adresser des particuliers à qui vous aviez promis la remise, à qui nous l’avons accordée pour l’honneur de vôtre engagement, & qui nous attirent des reproches insupportables de la part des Libraires.

Quand vous ordonnerez des envoys d’Encyclopédie pour vôtre Compte, soit pour Paris, la Province, ou l’Etranger, donnés vos ordres clairement & précisément je vous prie.

Où en sommes-nous des cuivres du tome 5e? que coûteroit-il d’en dire un mot en passant?

Si vous lisiez mes lettres, vous sauriez où en est la 4e livraison du Voltaire: j’ai un peu plus de deux Vollumes actuellement, savoir, un vollume edemi des questions reveües & augmentées, & les deux tiers d’un vollume qui sera tout Théâtre; j’attends que les loix de Minos ayent été jouées pour le continuer; je le terminerai par le Jules Cesar de Schakespear & l’Heraclius de Calderon: au besoin, & avec la permission de l’auteur, j’y joindrai ses préfaces sur les autres piéces de Corneille.

Quant au Commentaire, je fairai ce que vous voudrez, mais je ne crois pas que ce pût plaire au Public; on a imprimé ce Commentaire12. pour le vendre dans la nouveauté aux possesseurs des Editions 12. de Corneille, mais qu’en fairoit-on sur tout aujourd’huy, que M. De Tournes a du Corneille une Edition 4to avec les Commentaires? Toutefois, j’aurai soin d’en parler à M. de Voltaire, mais vous pouvez compte qu’il ne goûtera pas cette idée: Au surplus, cette opération ne sauroit luy faire de la peine, du moins, je ne le prévois pas, de sorte que si vous étes attaché à l’impression de ce Commentaire, donnez-m’en l’ordre net & absolu, afin que vôtre lettre me serve d’excuse, au cas que vous y ayez regret.

Bref, vôtre livraison sera prêtte dans un An, come vous le souhaiter, j’ai pris mes mesures en Conséquence, j’ai tout le papier nécessaire, on me l’a renchéri de 18 pour Cent petit à petit: on ne faira rien, soyez en sûr, sans l’approbation du Patron.

Quand on vous a dit que j’annonçois une édition 12e, on vous a fait un fagot. Il est vrai que je fais faire tout doucement une édition 8. que quelques personnes en passant par ici, peuvent avoir veue, maïs je ne l’annonce point, & je puis vous dire qu’elle ne verra le jour probablemt qu’un an aprés vôtre livraison in quarto. Ce qui pourroit arriver, c’est que lorsque les questions 8. seront faittes, Monsieur de Voltaire m’en demandât des Exemplaires; mais cette impression ne va pas vitte; vôtre in quarto est dans mon Imprimerie l’objet principal, on va donc sur ma besogne lentement, pour boucher les trous, tantôt un Cayer, tantôt l’autre.

Dittes à MM. Lambot & Bruner, cette vérité pour leur consolation, c’est que nous n’avons essuyé que des reproches au sujet du 1er voll. des planches, & que nous n’avons reçeu que des complimens au sujet du second. Qu’elle différence mon cher Monsieur! Voulés vous dire encore, que nous avons tout le papier nécessaire, & que nous n’avons besoin que d’argent; je vous embrasse de tout mon Cœur.