[c. 8 September 1760]

Mon divin ange vous êtes le meilleur gééral de L'Europe.
Il faut que vous ayez bien disposé vos trouppes pour gagner cette bataille; on dit que l'armée ennemie était considérable. Débora Clairon a donc vaincu les ennemis des fidèles. On dit que Satan était dans l'amphitéâtre sous la figure de Fréron, et qu'une larme d'une dame étant tombée sur le nez du malheureux fit, psh phs, comme si ç'avait été eau bénite.

Ajoutez à vos bontez mon cher ange celle de vouloir bien me faire tenir les corrections, retranchements, additions que vous avez faits à l'ouvrage. Il est absolument nécessaire que la pièce s'imprime bientôt. Je soupçonne qu'il y en a déjà une édition furtive. Vous savez que j'avais cy devant proposé à madame la marquise une dédicace. Je ne peux honnêtement oublier ma parole. J'écris au protecteur M. le duc de Choiseuil, protecteur que je vous dois, et je le prie de savoir de m^e la marquise si elle accepte l'épitre. Vous connaissez le ton de mes dédicaces; elles sont un peu hardies, un peu philosophiques. Je tâche de les faire instructives. Si on les veut de cette espèce je suis prest, sinon point de dédicace.

Madame Scaliger vous avez sans doute taillé et rogné. Vous avez fait des vôtres. Si la pièce vaut quelque chose, ma foy je le dois à vos critiques scaligériennes. Etiez vous lâ madame? Dites donc aux acteurs des deux premiers actes qu'ils ne soient pas si froids et si familiers.

Des longueurs! mon cher ange, c'est dans ma lettre de remerciment qu'il y aurait des longueurs, si j'avais un moment à moy. Comment pourais-je finir! Je vous dois tout. Je baise le bout de vos ailes avec des transports de reconnaissance.

V.