à Nyon au pays de Vaud, par Geneve 15 février [1760]
Mademoiselle,
Je vous fais ces lignes pour vous remercier de l'air gracieux dont vous avez bien voulu communiquer mes lettres à mademoiselle Custrin ma maîtresse pour qui j'ay toujours une passion secrette malgré ses infidélitez et ses caprices.
Mon dessein est toujours de L'épouser parce que je suis accomodant, et que d'ailleurs je crois que malgré les mauvaises affaires du banquier, elle aura toujours une assez grosse dot. Elle joue très bien des instruments, mon frère Antoine l'accompagnera de sa basse de viole, et nous ménérons une vie fort douce avec ma cousine Jacqueline. Je vous prie mademoiselle de vouloir bien remettre le présent poulet à la future, en attendant que je luy écrive plus au long, moy et ma famille.
Nous vous remercions du ballot de toile que vous nous avez bien voulu envoyer, nous en ferons de beaux draps de lit. Nous vous recommandons toujours les intérêts du cousin Etienne auprès de leurs altesses sérénissimes, et de madame la grande maitresse. On dit que la famille de leurs altesses est ce qu'on peut voir de plus aimable, et qu'elle joue des comédies en vers, que c'est un charme. Je suis bien fâché de ne pouvoir voir cela, car en vérité j'aime baucoup la comédie. Je fus enchanté de leurs altesses quand vous me les fîtes voir lors qu'elles allaient diner. Mon dieu que madame la duchesse avait bonne mine, quel air de grandeur et de bonté! J'en étais extasié. Les princes ses enfans n'étaient pas plus hauts que ma jambe. Je les crois àprésent bien formez. Mademoiselle on ne peut pas s'empêcher d'aimer cette maison là de tout son cœur, et autant qu'on la respecte. Ayez la bonté mademoiselle de nous mettre tous aux pieds de notre grande maitresse, notre protectrice et de me croire de cœur votre très humble et obs str
Jacques Sutamier