1759-09-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Soit, mon cher monsieur! Les Lettres de change du Baron ne m'embarassent guères.
On remédie à tout, excepté à nos batailles perdües et à nôtre argent mangé; il y a une fermentation prodigieuse à Paris et à Versailles; on craint des choses très sinistres. Pour nous consoler de tout cela nous joüons la comédie; les anciens Romains l'ordonnèrent en temps de Peste, mais elle est certainement moins souveraine contre la peste que contre le chagrin.

Made Denys est enchantée des attentions obligeantes de mr Camp. Nous demandons encor vingt-six pieds courants de fleurs de grands pavots. Celà fera un effet charmant. 26 pieds de pavots peuvent se faire en très peu de temps, et être envoyés avec les réseaux. Nous savons bien que nous vous accablons d'importunitez, mais quand il s'agit de plaisir on est bien hardi.

J'attends avec impatience nôtre conseiller d'Etat pour nôtre muraille de la Chine; il faut absolument être fermés, et concilier ce qu'on doit à la nécessité, à l'agrément, et à L'académie de Lézine.

Bon jour famille charmante.

V.