Délices 12 [7bre 1759]
Il est vray que de tous côtez les nouvelles sont affreuses et que ceux qui ont acquis des billets de lotterie et des annuitez ont bien mal placé leur argent.
Mon cher correspondant il faut avoir recours à l'académie de lézine, car l'académie française et celle des sciences ne racommoderont pas tant de sottises. Cependant j'avouerai à monsieur Camp qu'au lieu de 26 pieds de pavots, il nous en faut trente six, et que notre téâtre veut encor trente six pieds de fleurs, et même un peu plus grosses que celles qu'on nous a envoyées.
J'aimerais mieux des feuilles d'olivier, mais nous n'avons que des ciprèz sur terre et sur mer. Baucoup de honte et point d'argent, ne font pas une situation brillante.
Il n'y a nul mal à avoir négocié les billets signéz Labat. Nul baron au monde n'a plus de crédit. Les billets du baron de Thundertentrunc ne valaient pas les siens.
Puisse le beau voiage qu'on voulait faire en Angleterre, être rompu comme celuy du roy!
Je demande mille pardons à mr Camp au nom de madame Denis et au mien pour les importunitez de pavots et de fleurs et de rézeaux et de satin.
N'avez vous pas devers Lyon une académie de cavalles? J'ay voulu avoir aussi un haras mais je m'en dégoûte. J'ay peu de foin et baucoup de bêtes. Si on avait besoin dans L'académie d'un bel étalon, poil bay, crins noirs, je L'enverrais au maquereau royal. Mon étalon a neuf ans et demi, et est un fier monsieur.
Mille tendres compliments à toutte la société.
V.
N. B. que madame Denis n'importune plus mr Camp pour trente aunes de rézau d'argent. Voylà une dépense de moins. Mais elle persiste toujours dans l'attente des rézeaux précédents et dans les 3 pieds de pavots, et dans les 36 pieds de grosses roses et de lis, et dans son amitié pour vous.