1759-07-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Parlons d'abord des perdrix mon aimable correspondant.
La dernière caisse fut aparemment ouverte à la douane. La mousse enlevée, les œufs arrivèrent cassez, et le peu qui resta entier fut pouri. Il arrivera que de deux cent cinquante œufs il n'en réussira pas un. Je ne suis pas chanceux.

Le temps est triste et je suis malade. J'ay besoin que vous me consoliez en m'apprennant, si cela ne vous dérange pas, l'état de mes petites affaires. Je me suis toujours attendu que les dépenses iraient très loin. Payer trois terres, bâtir un châtau, en raccomoder un autre, monter ces trois terres de tout, et avoir encor le droit barbare des lods et ventes à payer, tout cela est dispendieux, et L'académie de lézine y serait bien embarassée.

Je dois environ 20000lt qu'il faut donner dans quelques mois, indépendamment des frais du bâtiment de Fernex, et tout cela sans négliger les Délices. Aurai-je de quoy faire face? Je pense qu'il faudra vendre lotteries et annuitez pour avoir du foin. Je ne sçais plus trop où j'en suis. Instruisez moy je vous prie de mon piteux état, quand vous en aurez le loisir. Si la guerre dure (comme j'ay grand sujet de le craindre) mr Silhouete sera aussi embarassé que moy.

Ce monde est plein d'anicroches. Bonsoir mon cher monsieur.

V. t. h. ob. str

V.