6 octb [1759]
J'ai oublié, mon cher Monsieur, dans mes importunitez de vous supplier de nous faire parvenir deux jolis petits bords de chapeau d'or pour nos fêtes de Tournay.
Il faut se réjouir en temps de calamité, celà fait voir qu'on n'est point découragé; je m'imagine qu'on en use ainsi à Lyon et à Paris. Il n'est rien venu pour moi dans cette belle flotte arrivée à Cadix, je me flatte que vous êtes dans un cas plus heureux. Nous fesons aujourd'hui la vendange dans vos vignes. Vous savez que le vin de nos cantons n'est pas du nectar. N'auriez vous point du nectar cette année en Beaujolais, de bon nectar, bien couvert, bien savoureux, bien fort de sève, de bonne garde, rien de médiocre, en un mot, du beaujolois qu'on puisse donner hardiment pour du Bourgogne? Vous vous y connaissez. Vous ne le haïssez pas. Trois tonnaux feraient mon affaire. J'ai déjà eu des fruits des arbres que j'ai plantés aux Délices il y a moins de trois ans. Tout prospère chez nous. On commence la muraille de la Chine, on fait de nouvelles chambres dans les dépendances. Tourney de son côté est devenu un château très agréable; Ferney est bâti; on dit même qu'il est fort beau, mais rien n'aprochera du jardin des Délices quand nôtre terrasse sera finie, ne viendrez vous pas voir nôtre petit royaume l'année qui vient? Vous y verrez le plus heureux des hommes qui vous est le plus attaché.
V.