1759-08-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Ma douleur, Madame, est encor plus forte que ma maladie.
Il faut que mon état me permette au moins de dicter mes sentiments, si je ne peux les écrire moi même. Je partage toute vôtre inquiétude. Vous avez sans doute dépêché un exprès pour vous informer du sort de Monsieur vôtre fils. J'ai été saisi à la nouvelle de cette abominable journée; s'il est vrai que Mr de Contades ait exposé son armée à une batterie de 80 canons, comme on le dit, celà ne peut ni se comprendre, ni être assez déploré; une faute de jugement fait donc le deuil et la ruine de la France! Vos chagrins dans ce moment occupent toute mon âme. Si vous avez un moment à vous je vous demande en grâce d'envoyer chercher Colini, et de m'instruire par lui de l'état de vôtre fils & du vôtre. Adieu, Madame, ceux qui disent que tout est bien, sont des fanatiques bien haïssables. Ce que je souffre de corps et d'esprit, m'empèche de vous en dire d'avantage, mais je n'en suis pas moins sensible à tout ce qui vous touche, et personne ne vous est attaché, Madame, avec un plus tendre respect que moi.

l'hermite des Délices V.