1762-07-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes divins anges nous ne demandons autre chose au conseil sinon que sur le simple exposé des jugements contradictoires du parlement de Toulouse, et sur l'impossibilité phisique qu'un vieillard faible de soixante huit ans ait pendu un jeune homme de vingt huit ans, le plus robuste de la province, sans le secours de personne, on se fasse représenter la procédure.

A cet effet un des fils de Calas qui est chez moy, envoye sa requête à mr Mariete, avocat au conseil, lequel la rédigera et nous espérons qu'elle sera signée de la mère.

Nous craignons que le party fanatique qui accable cette famille infortunée à Toulouse et qui a eu le crédit de faire enfermer les deux filles dans un couvent, n'ait encor celuy de faire enfermer la mère pour luy fermer touttes les avenues au consei du Roy.

Mais le fils qui est en sûreté, remplira L'Europe de ses cris et soulèvera le ciel et la terre contre cette iniquité horrible.

Je répète qu'il est peu vraisemblable que la veuve Calas puisse tirer les pièces de l'antre du grefe de Toulouse puis qu'il y a des defenses sévères de les communiquer à personne.

Cette seule deffense prouve assez que les juges sentent leur faute.

Si par impossible, les juges ont eu des convictions que les accusez étaient coupables, s'ils n'ont puni que le père, et si contre les lois ils ont élargi les autres, en ce cas il est toujours très important de découvrir la vérité. Il y a d'un côté ou d'un autre le plus abominable fanatisme, et il faut le découvrir.

J'implore Monsieur de Courteilles, uniquement pour que la vérité soit connue, la justice viendra ensuitte.

Tous les étrangers frémissent de cette avanture. Il est important pour l'honneur de la France que le jugement de Toulouse soit ou confirmé ou condamné.

Je présente mon respect à monsieur et à madame de Courteilles, à monsieur et madame Dargental. Cette affaire est digne de toutte leur bonté.

V.