1770-06-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Eh mon Dieu, Madame, je n'ai apris que par la poste du 9 de ce mois le triste accident arrivé à Monsieur d'Argental.
On me mande qu'il n'aura point de suittes funestes, mais on me dit que l'épaule est démise, cela n'est que trop funeste.

Vous sentez comme je partage vos peines et vos inquiétudes, nous ne parlons Made Denis et moi que de cette inconcevable avanture; nous ne savons jamais rien à tems dans nos déserts. Celui qui nous a écrit a suposé que nous étions informés et n'est entré dans aucun détail. Nous vous demandons en grâce de nous faire écrire par vôtre secrétaire en quel état est Monsieur d'Argental, et comment il s'est pu faire qu'il ait été blessé dans son carosse? Celà fait frémir. On prétend qu'il y a eu près de trois cent personnes de mortes. Est-ce un échaffaut qui est tombé? Voilà un abominable feu d'artifice.

Monsieur d'Argental est il au lit? son épaule a-t-elle été réellement démise? Si celà est il a dû souffrir de grandes douleurs; tout celà n'a pas dû rafermir vôtre santé. Nous vous conjurons, Madame, de nous faire savoir comment nos deux anges se portent, nous avons le plus grand besoin d'un mot qui nous rassure.